- Le temps est venu de conclure notre blog Rome et d’opérer un regard rétroactif sur notre travail du semestre.
Pourquoi avons-nous choisi comme angle d’attaque la ville de Rome? Une première lecture de Learning from Las Vegas nous avait révélé la pertinence de la comparaison: tant par l’approche méthodologique des Venturi étudiant Las Vegas à la manière d’étudiants des Beaux-Arts visitant la capitale italienne, que par leur influence supraterritoriale (la capitale de l’empire romain vs la capitale de l’empire du spectacle) que cristallise l’image du Caesars Palace.
Après quelques recherches préliminaires de récoltes d’informations sur le lien possible entre ces deux villes, nous avons quitté la simple comparaison formelle ou morphologique pour nous attacher à une étude sémiologique, la question du signe étant après tout centrale dans l’ouvrage de Venturi, Scott-Brown et Izenour. Si les auteurs semblaient affirmer que la question du signe en architecture était au fond résolue d’une manière facilement comparable dans ces deux cités, continuer à analyser Las Vegas sous cette optique ne prenait pas en compte les évolutions de la ville depuis l’analyse de LFLV au début des années 70.
Depuis la fin des années 80 en effet, les acteurs privés et publics de la construction de Las Vegas se sont rendus compte de la manne que représentait l’économie touristique par rapport à leur ancienne clientèle de joueurs. Les tables de blackjack ont laissé place à l’hégémonie des machines à sous et les hangars décorés ont été remplacés par des monuments évocateurs des quatre coins du monde. Succombant à l’ubris de leurs commanditaires, les bâtiments ont dépassés leur statut de bâtiment signifiant pour devenir des simulacres, des signifiants autonomisés de leurs signifiés et devenus des réalités en soi.
Ce passage dans l’histoire de Las Vegas du signe à l’objet nous a alors poussé à entamer une démarche de réactualisation du Learning from Las Vegas historique. A ce titre, l’approche de Koolhaas développée dans Mutations ou S, M, L, XL nous paraissait intéressante à étudier. Révoquant l’idée de la ville comme un phénomène urbain inféodé à des logiques qui lui seraient externes (la ville comme signe de la géographie, de l’histoire, des coutumes…), l’architecte néerlandais défend l’idée d’une sorte de ville pour la ville, d’une urbanité autonome, constituée d’objets urbains indépendants.
C’est à l’aune de cette différence idéologique avec les tenants d’une approche dite typo-morpho (Venturi, Rossi…) que, dans son Roman Operating System, Koolhaas propose une relecture ironique de Rome non pas comme une ville historique par excellence, mais comme l’exemple d’une urbanité autonome et triomphante. Rome et Las Vegas ne seraient plus, comme le pensaient les Venturi, des villes exceptionnelles, mais des villes génériques.
La question du genre invite à poser la question du modèle: peut-on retrouver des qualités urbaines de la nouvelle Las Vegas dans d’autres villes du monde? C’est à cette question que nous nous sommes attelés à la fin de ce semestre : les deux cartes Las Vegas Operating System et St Quentin Operating System se présentent comme des tentatives ludiques de synthèse de ce travail, mettant en avant les points communs et différences entre les trois villes étudiées et proposant de faire de la Las Vegas de l’entertainment l’archétype de la ville-nouvelle de la fin du XXème siècle.