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Ressources périlleuses

14 Mai

La rareté ou l’absence de ressources sur un territoire est une question prépondérante à l’installation d’une société humaine. Préoccupation majeure, elle fait l’objet de gestes très spectaculaires et modifie souvent les paysages.

A Las Vegas, l’énergie et l’eau sont des besoins primordiaux, indispensables au spectacle faramineux de la ville, et « justifient » la construction de grands barrages et de centrales solaires ou éoliennes en plein désert (voir les articles https://d6lv.wordpress.com/2011/05/23/une-transgression-environnementale-les-restes-du-progres/ et https://d6lv.wordpress.com/2011/05/14/lake-mead-source-principale-dalimentation-en-eau-et-en-electricite-pour-lv/ ). Si au moins les deux dernières solutions ont l’intelligence de prendre en compte les caractéristiques climatiques du Nevada, la première s’avère bien plus problématique, puisque les eaux du Colorado, exploitées sans scrupules ni responsabilités par 7 états américains, ne parviennent plus jusqu’à l’embouchure du fleuve, ce qui met en péril toute une population mexicaine habituée à vivre grâce aux bienfaits de ces mêmes eaux, aujourd’hui absentes (voir cet article plus détaillé à ce sujet http://www.partagedeseaux.info/article86.html).

Aux Iles Canaries, il a même été envisagé d’importer des morceaux de banquise, couverts de bâche isolante, pour palier à l’absence d’eau potable (http://www.planet.fr/dossiers-de-la-redaction-des-icebergs-pour-sauver-les-canaries.57755.1466.html). Vorkuta, précédemment évoquée, a été établie dans le seul but d’exploiter des gisements de minerais. Reykjavik profite de ses ressources énergétiques colossales pour soutenir son économie (aluminium). Le Plan Nord se base sur l’exploitation de mines, La Paz repose sur une réserve de gaz naturel.

Traction d'un iceberg selon l'idée de Georges Mougin

La question des ressources est intégrante à la ville. Qu’elle en est ou qu’elle en cherche, elle modèle son territoire en fonction d’elles. Cette question est d’autant plus importante aujourd’hui que les ressources sont de plus en plus mutualisées, et s’inscrivent souvent dans des réseaux internationaux ou mondiaux. Le rapport de la ville à ses ressources la positionnerait donc par rapport au monde. Qu’advient-il alors de ces villes situées en « territoires hostiles » comme nous aimons les appeler, où les ressources sont rares? Deviennent-elles tributaires des autres? Et comment responsabilise-t-on celles qui possèdent tout? La situation du Colorado nous montre l’absence d’une conscience globale chez les américains, qui pourrait se retourner contre eux, illustrant parfaitement l’état actuel des choses à un niveau global. La quête des ressources effrénée ne semble pas encore avoir rencontré son associée inévitable, la conséquence à long terme; mais rassurons nous, cela ne saurait tarder.

E. Cx

La très secrète population des sous-terrain de Las Vegas

22 Mar

Sous le Las Vegas des casinos rutilants et des paillettes se cache un univers sombre et méconnu: quelque 300 sans-abri survivent dans le vaste réseau souterrain enfoui sous la cité du jeu, la plupart souffrant d’addictions diverses.

Ce monde ténébreux est situé dans un dédale souterrain, construit pour évacuer les trombes d’eau susceptibles de tomber sur la ville lors des rares mais violents orages qui frappent le désert du Nevada. Aucun signe de « bienvenue » ici. La plupart des occupants, des hommes pour l’essentiel, se droguent et possèdent des armes artisanales. La police ne s’y aventure que rarement, et seulement quand on l’y appelle.

Quelque 320 kilomètres de l’ouvrage, construit essentiellement à partir de 1986, sont constitués de canalisations qui vont de tuyaux de 60 centimètres de diamètre à de véritables tunnels de 3,6 mètres de haut sur six de large.

Les habitants de ce monde souterrain, essentiellement des hommes entre 35 et 50 ans, inspirent une certaine crainte. « Même les SDF de la surface sont très méfiants à leur égard », souligne M. Penksa, un ancien employé pénitentiaire à la retraite.

Il avait entendu parler des tunnels il y a des années, au travers des récits de détenus. Aujourd’hui il fréquente le réseau souterrain pour le compte de l’association HELP, qui tente de venir en aide aux sans-abri en leur cherchant des logements plus conventionnels.

Les policiers ne se rendent habituellement dans les tunnels que lorsqu’ils sont appelés sur place, ou effectuent des missions d’aide aux sans-abri, explique Annie Wilson, du département de police de Las Vegas.

M. Penksa dit avoir croisé quelques femmes et enfants vivant seuls, mais aucune famille. La plupart des habitants n’aiment pas les intrus et évitent les conversations.

Eric D., un New-Yorkais de 40 ans, vivant en divers endroits du réseau souterrain depuis quatre ans, raconte qu’il vit livré à lui-même, libre de s’adonner à la drogue. « Ici, nous sommes loin des regards, oubliés de tous. Ce que je trouve cool, je préfère que ce soit comme ça ».

« C’est la pire des situations dans laquelle quiconque pourrait se retrouver, et je me la suis infligée à moi-même », ajoute-t-il. Eric D. est accro aux méthamphétamines et à la marijuana.

l est possible de vivre dans ces couloirs obscurs si l’on n’est pas claustrophobe et que l’on supporte les cafards, les araignées et les mauvaises odeurs, souligne Eric. Reste que la pluie peut rendre les tunnels très dangereux, et très brutalement: l’eau peut dévaler les canalisations à la vitesse de 50 km/h, et grimper de 30 centimètres par minute, souligne-il.

Eric D. a une réputation de météorologiste parmi ses voisins des souterrains, car il se tient informé des prévisions météo. Dans cette ville qui n’aura connu que cinq jours de pluie en 2009, il y a tout de même eu 31 morts dans des inondations depuis 1960, dont cinq depuis 1995 étaient des sans-abri.

Sous terre, Eric D. raconte avoir vu les tunnels se remplir d’eau jusqu’au plafond. « Si quelqu’un ne surveille pas la météo et que vous vous faites surprendre, vous pouvez mourir ici », dit-il.

 

 

Extrait de l’article de La Presse Canadienne, janvier 2010

lien : http://www.thesun.co.uk/sol/homepage/features/2651937/The-people-living-in-drains-below-Las-Vegas.html