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Modèles d’Empires

19 Juin

Rome était la capitale de l’empire romain, capitale de l’empire le plus puissant de l’Antiquité, qui régnait sur la quasi totalité de l’Europe et dont l’image rayonnait à travers le monde connu de l’époque. Elle est la superpuissance du bassin méditerranéen et atteint l’apogée de sa puissance en contrôlant le plus grand territoire en 230 après JC.

 Le mythe de la ville de Rome commence avec le mur tracé par Romulus, elle a l’image de la ville ronde, fermée sur elle-même. La ville antique de Rome était entourée par la muraille de l’empereur Aurélien. La superpuissance romaine impose son image, ses codes à tout le bassin méditerranéen c’est pourquoi la fondation de la plupart des villes d’Europe est calquée sur le modèle romain. Rome n’essaie pas d’imiter mais veut être le moteur qui génère cet empire. Rome est un modèle pour le reste du monde.

 L’empire romain et son empereur gère « la totalité du monde habité comme une maison »  est-ce le même cas pour Las Vegas ? Est-ce que la ville gère ses flux et installations avec la même poigne ?

 Las Vegas est un des symboles des Etats Unis (pour nous les Européens ?), peut être le seul endroit où la tentation, le jeu, les plaisirs du corps sont mis sous lumière et revendiqué dans cette Amérique puritaine. L’Etat a eu besoin d’une ville comme cela, dans toute son extravagance pour pouvoir supplanter les autres nations et confirmer son statut de superpuissance mondiale. Las Vegas est dépassé par la propre image qu’elle renvoie. Elle n’est pas juste une ville située dans le désert de Mojave mais la ville du jeu, du casino à l’échelle mondiale, supranationale. C’est une ville sortie du désert dans les années 50, au milieu d’un état dirigé par les Mormons, qui devient le seul état de la côte ouest à légaliser les jeux d’argent. Las Vegas et son Strip attire une clientèle qui vient de tous les Etats Unis. La ville se développe autour du Strip où s’enchaînent les parkings puis au fond de ceux-ci les casinos qui rivalisent d’imagination pour attirer les joueurs.

À partir de la fin des années 80, Las Vegas parie moins sur le jeu pour attirer les clients et confirmer sa suprématie mais tente de diversifier son offre et changer sa réputation de ‘ville du pêché’ en proposant des spectacles et attractions intégrés aux hôtels. A partir de cette période est lancé le concours entre les hôtels pour devenir celui qui construira les choses les plus extravagantes : une pyramide, le Colisée, un roller coaster qui zigzag entre les pieds de la Tour Eiffel ?

Las Vegas n’est plus une ville du fin fond du désert du Nevada mais devient une ville ‘monde’, elle recrée le monde en amenant à elle tout ce qui le compose. En amenant à elle tous ces modèles, monuments, icônes qui viennent du monde entier, elle parvient à s’en dégager et créer son propre modèle qui devient lui-même un exemple de développement pour d’autres villes à travers le monde (comme ville de loisirs ou ville de jeu) ou au sein même des Etats Unis comme modèle d’attraction et de développement économique puisque depuis peu Las Vegas est la ville la plus attrayante du pays.

Rome grâce au dessin défini de ses frontières et son mode de génération projette une image précise, facilement reproductible et identifiable qui peut donc être reproduite et exportée.                                                                                                                                               Las Vegas quant à elle est la ville de l’expansion, qui se développe sur une ligne. Elle est l’image de la ville à expansion tentaculaire bien différente du schéma fermé et structurée de la ville romaine. Pourtant on retrouve le modèle de Rome, peut être pas au niveau du développement urbain et à grande échelle de la ville mais le long du Strip à l’échelle du complexe hôtelier qui lui est structuré et à l’image de la ville ronde.

Nous étudierons cette figure du Resort dans une prochaine entrée.

De Rome à Las Vegas: Du signe au simulacre? (3)

3 Mai

Monuments

Saint Pierre de Rome

Casears Palace

De Rome à Las Vegas: Du signe au simulacre? (2)

3 Mai

Quand la copie supplante le modèle

« One of the architects of the idea of the Luxor Hotel expresses this mentality well: «In designing the architectural motif and configuration of this pre-Egyptian civilization, our idea was that everything you’ve ever seen in Egypt is a poor facsimile of what this high technology civilization developed.» (The Making of Luxor, 1994). »

Hôtel du Luxor - Las Vegas

Pyramide de Gizeh

De Rome à Las Vegas: Du signe au simulacre? (1)

3 Mai

Détour par Baudrillard

Françoise Choay rappelle dans l’allégorie du patrimoine que le monument est cet artefact réalisé par une communauté afin de se remémorer des hommes, des événements, des croyances… Par « la médiation affective », le monument fait « vibrer le passé » et assure une pérennité des actes dans les consciences. Le monument se fait signifiant d’une culture propre à un groupe à une période donnée.

L’observation du Colisée romain sous le spectre du concept de monument permet ainsi d’interpréter sa création, non pas comme la simple constitution d’un édifice publique répondant à des fins programmatiques (Gladiateurs vs lions) ou politiques (rappelons nous la célèbre phrase de l’empereur Juvénal résumant les besoins à satisfaire du peuple romain: « Panem et circensem! », « Du pain et des jeux! »), mais comme la célébration d’un empire conquérant . C’est du moins ce que laisse penser une inscription trouvée sur le site « L’empereur Vespasien a ordonné que l’on édifie ce nouvel amphithéâtre sur la part de son butin », rappelant la victoire de l’empire lors de la première guerre judéo chrétienne de 70. Si la Rome antique ne saurait être exclusivement ramenée à son réseau d’architectures monumentales, force est de constater que l’importance de celui-ci entretient, par métonymie, une lecture de la ville comme ville-signe du rayonnement de l’Empire romain.

Quid alors de la réécriture du Colisée proposée par Las Vegas, au Cesars Palace? Si Venturi analyse la capitale du jeu sous un angle sémiotique, et s’intéresse tout particulièrement à la place du signe en architecture (on mange du canard dans le bâtiment en forme de canard: signifié et signifiant trouvant une correspondance directe dans le signe architectural), on peut se demander si cette grille de lecture reste pertinante pour ces nouvelles architectures monumentales et représentatives qui fleurissent à Las Vegas depuis une vingtaine d’années. Le colosseum est un signe du colisée qui était lui-même signe des conquètes romaines. Nous ne sommes ainsi plus dans le même rapport direct signifiant-signifié, mais dans un rapport signifiant/signifiant, où le signifié s’estompe et où le signifiant s’autonomise: de vecteur, il devient message. Le colosseum devient alors l’image d’une image, mais une image qui ne relève mêmepas de l’ « eikon » grec (représentation fidèle, mimétique), mais du « phantasma », le trompe l’oeil, qui ne représente pas l’objet tel qu’il est, mais selon le point de vue et la position de l’observateur.

Le colosseum devient ainsi un signe autonome, qui, s’il entretient toujours des relations avec son modèle de départ qu’il évoque (forme globale, onomastique), devient une entité pleine et indépendante. Voit-on encore Rome? Ne voit-on que Las Vegas?

Le signe disparaîtrait ainsi par la célébration du signifiant, menant peut-être à une architecture de ce que Jean Baudrillard appelait « simulacres », à savoir une apparence pure, ne renvoyant à aucune réalité sous-jacente et s’établissant comme une réalité elle-même. Las Vegas, dans sa course aux faux-semblants, ne serait en réalité qu’un système auto-référencé, l’avénement d’un système de signifiants autonomes qui n’évoquent qu’eux-mêmes…